BIODIVERSITE EN MONTAGNE :

COMMENT CONCILIER SPORTS DE PLEIN AIR ET ENVIRONNEMENT ?

Interview de Marie Dorin-Habert par Marion Patry (ANCEF)

Si les activités de randonnée et les sports de plein air attirent chaque année de plus en plus d'adeptes, leurs conséquences sur les milieux naturels de nos montagnes ne sont pas moins nombreuses. Quelle que soit notre motivation, qu'il s'agisse d'effort physique, d'évasion ou de ressourcement, il est important de se rappeler que nous parcourons des territoires déjà habités. L'impact des activités de plein air sur la biodiversité en montagne est aujourd'hui au centre des préoccupations environnementales. Nous revenons sur ce sujet en compagnie de Marie Dorin-Habert, ancienne biathlète de haut niveau.

Crédit photo Christian Aussaguel - LPO France

Marie Dorin-Habert nous a partagé son parcours et son engagement actuel dans la protection de l’environnement en lien avec les sports de nature. Après avoir consacré 15 ans au biathlon, elle explique : « Depuis 2018, je travaille à mi-temps au département de l'Isère dans une mission sport environnement, c'est-à-dire sur la prise en compte de l'environnement au sein des sports de nature ». En parallèle, elle et son mari gèrent un hôtel-restaurant à Corrençon-en-Vercors : « On accueille tout type de public, mais la plus-value est quand même sportive pour les personnes qui veulent découvrir le Vercors par une approche sportive ».

Sur la question de la biodiversité, Marie définit ce concept comme « l'ensemble des êtres vivants végétaux, animaux […] qui nous entourent. ». Habitant le Vercors, elle en décrit les particularités écologiques, notamment sa géographie qui influence sa biodiversité : « C'est un massif préalpin calcaire […], il y a différents climats qui peuvent se côtoyer sur le Vercors : un climat plus méridional, un climat alpin […], on a donc une grande richesse et une grande diversité en termes d'espèces ». Elle précise également l’importance des espaces naturels protégés pour la préservation de cette biodiversité, soulignant que « les territoires de montagne restent quand même de grands ensembles encore peu impactés par rapport aux plaines par les activités humaines ».

Marie détaille les différents types de protections environnementales dans ces zones sensibles : « On va retrouver dans ces zonages les parcs nationaux […], les réserves naturelles régionales ou nationales […], et enfin, les zones Natura 2000 ». Elle explique que ces zones sont protégées par des règlements spécifiques qui visent à limiter l’impact des activités humaines et à préserver les habitats naturels. Afin de clarifier les rôles de chacun, Marie revient également sur le fonctionnement des parcs régionaux qui n’interviennent pas sur l’aspect réglementaire, mais bien sur les aspects environnementaux et sur la promotion touristique des territoires. Le maillage de ces organismes, à différentes échelles, est indispensable à la conservation de notre nature.

Concernant le sujet de l’impact des pratiques sportives en plein air, Marie insiste sur la notion de sensibilisation des pratiquants. Elle explique que, même sans s'en rendre compte, les sportifs peuvent avoir un impact sur les écosystèmes : « Pour moi, de manière générale, à partir du moment où il y a une fréquentation qui devient de plus en plus importante sur un écosystème […], il va y avoir un impact fort par la présence humaine, parce que l'homme est tout le temps perçu comme un prédateur ». Elle nous présente alors l'exemple du tétras lyre, une espèce emblématique et fragile : « C'est un oiseau qui s'enferme dans un igloo pour se protéger du froid en hiver ; quand on passe vraiment à proximité immédiate de son igloo, il est obligé de sortir et de briser son igloo […] ça peut être une source de mortalité importante ».

Crédit photo Marie Dorin-Habert

Pour réduire cet impact, Marie préconise de concentrer les activités sur des zones spécifiques : « Moi, je suis convaincue qu'il vaut mieux condenser, canaliser la fréquentation sur des espaces où elle est déjà présente et préserver des zones naturelles qui sont finalement très tranquilles ». Elle souligne également l'importance de respecter les sentiers balisés pour limiter le dérangement de la faune. Elle mentionne l’application Biodiv'Sport développée par la LPO, qui « permet de géolocaliser sur une carte des bulles de quiétude autour des espèces sensibles […], c'est intéressant parce que ça permet de se renseigner en amont de sa sortie ».

Crédit photo Marie Dorin-Habert

Quand nous l’interrogeons sur les profils des pratiquants, Marie nous livre ses observations : « le public est à la fois de plus en plus sensibilisé », mais en même temps, « on est quand même sur une augmentation du dérangement » en raison du nombre croissant de pratiquants de sports de plein air. Elle remarque qu’il y a « différents types de public », dont certains « recherchent la tranquillité, le respect du milieu, la beauté du lieu » et sont plus attentifs à leur impact, tandis que d’autres « consomment un espace sur des zones très aménagées » sans se soucier de l’environnement. Elle estime que l’avenir des sports de nature nécessite de concilier préservation des milieux et enjeux économiques sans aller « à l'encontre de ce que l'on devrait faire pour préserver les milieux ».

Pour conclure, Marie nous fait part de son amour pour la nature et les rencontres marquantes avec la faune sauvage lors de ses sorties. Elle raconte notamment une rencontre avec cet oiseau majestueux : « Je me suis retrouvée en face d’un hibou grand-duc et j'ai trouvé que c'était vraiment fabuleux de voir ses gros yeux oranges, c'est une espèce nocturne qu'on voit très peu ». Au sommet de la chaîne alimentaire, le Grand Duc figure parmi les cinq « grands prédateurs » de notre territoire, pour qui seul l'être humain et ses activités, représente une menace. Marie conclut sur l'importance de préserver la biodiversité pour que chacun puisse continuer à vivre ces moments privilégiés : « La nature est magnifique, c'est une œuvre d'art à elle toute seule ! ».

 

Une interview qui met en lumière l’importance de protéger les écosystèmes, en particulier en montagne, tout en continuant à promouvoir les sports de nature de manière responsable et durable.

Lien utile : dispositif national Biodiv'sports